L’EFFET MATILDA : QUAND LES HOMMES S’ATTRIBUENT LE TRAVAIL DES FEMMES SCIENTIFIQUES

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Margaret W. Rossiter, historienne des sciences, étudie l’effet Matthieu du sociologue américain Robert King Merton (1960). En poussant la réflexion plus loin, elle constate que de nombreuses femmes scientifiques sont privées de la reconnaissance qui leur est due. Elle appelle ça, l’effet Matilda.
Mais qu’est-ce que l’effet Matthieu dont parle Robert King Merton dans les années 1960 ?
L’EFFET MATTHIEU
Pour faire simple, c’est lorsqu’une grande personnalité est reconnue pour un travail ou une découverte, au détriment de ses collègues ou proches (moins célèbres). Ces mêmes collègues, qui sont souvent à l’origine même de la découverte. C’est une théorie comme le dit cet article de France Culture, qui met en avant la façon inéquitable dont la gloire est partagée.

Robert King Merton se serait inspiré de l’évangile selon Mathieu 13:12 qui dit « Car on donnera à celui qui a et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a ».
France Culture
L’effet Matilda, c’est un peu la même chose, sauf que les oubliés (ou mis de côté) ici, sont souvent des femmes.
L’EFFET MATILDA
C’est en 1993 que Margaret W. Rossiter se rend compte que l’effet Matthieu est très présent lorsqu’il s’agit de femmes scientifiques.

Pourquoi l’avoir appelé « Matilda » ? C’est un hommage à la militante féministe américaine, Matilda Joslyn Gage. Cette dernière, au XIXe siècle constate que des hommes s’accaparent les pensées intellectuelles des femmes.
Le plus vieux exemple trouvé par Margaret W. Rossiter remonte au Moyen-Age. Une chirurgienne italienne nommée Trotula de Salerne écrit un livre : Le Soin des maladies des femmes. Un ouvrage référence au Moyen-âge sur la gynécologie. Malheureusement pour elle, ce dernier est attribué plus tard à des hommes.
Composé de 27 sections, il décrit toute une série de problèmes de santé concernant les femmes, tels que ceux liés aux règles et à l’accouchement.
Wikipédia
Pour l’époque, il était tout simplement impensable qu’une femme exerce le métier de chirurgien, en plus d’être enseignante à l’école de Médecine de Salerne.
NOMBREUSES SONT LES VICTIMES DE L’EFFET MATILDA
Wikipédia a répertorié différents cas au XXe siècle :
- Alice Ball (1892-1916), chimiste à l’Université d’Hawaï, découvre un traitement contre la lèpre. Elle décède avant la publication de ses travaux que le président de l’université Arthur L. Dean s’attribue[4].
- Jocelyn Bell (1943-), astrophysicienne britannique dont le directeur de thèse Antony Hewish reçut le prix Nobel à sa place pour la découverte du premier pulsar[5].
- Marietta Blau (1894-1970)[6], physicienne autrichienne célèbre pour ses méthodes photographiques de détection de particules chargées.
- Mary Whiton Calkins (1863–1930), de la Harvard University, avait découvert que des stimuli associés à d’autres stimuli vifs sont rappelés plus facilement, ainsi qu’une durée d’exposition accrue en améliore le rappel. Ces découvertes ainsi que la méthode associée sont utilisées plus tard par Georg Elias Müller (en) et Edward B. Titchener (en), sans en donner le crédit à Mary Whiton Calkins.
- L’apport très discuté et non avéré[7], du travail de Mileva Einstein (1875-1948) à celui de son époux Albert Einstein fait l’objet de débats. Selon France Culture, il s’agirait d’un Matilda ou plus certainement d’un effet Matthieu[8].
- Rosalind Franklin (1920-1958), physico-chimiste britannique, obtient la première photographie d’ADN par diffraction de rayons X (appelé le cliché 51). Ce cliché permet aux chercheurs James Dewey Watson et Francis Crick de démontrer la structure en double hélice de la molécule d’ADN, découverte pour laquelle ils obtiendront le prix Nobel en 1962, sans jamais citer ni reconnaître le rôle de leur collègue[9].
- Marthe Gautier (1925-), femme médecin française, découvre en 1958 à l’hôpital Trousseau à Paris que la trisomie 21 est due à un chromosome surnuméraire. Un stagiaire du CNRS, Jérôme Lejeune, s’attribue cette découverte lors d’un congrès à Montréal en 1959 et recevra pour cela le prix Kennedy[9].
- Grace Hopper (1906-1992), travaille pendant la Seconde Guerre mondiale sur le Harvard Mark I avec John von Neumann. C’est pourtant lui qui est présenté comme l’inventeur de l’architecture des ordinateurs[4].
- Katherine Johnson (1918- ) calcule de nombreuses trajectoires dont celles de la mission Mercury-Atlas 6et de la mission Apollo 11. Son apport est reconnue en 2015. Elle reçoit la médaille présidentielle de la Liberté[4].
- Esther Lederberg (1922-2006), microbiologiste américaine, qui travailla aux côtés de son mari Joshua Lederberg et l’aida à déterminer comment les bactéries échangent des gènes, mais lui seul reçut le prix Nobel de médecine en 1958[10]
- Lise Meitner (1878-1968), physicienne autrichienne injustement ignorée au Prix Nobel pour ses découvertes sur la fission nucléaire alors que son collègue Otto Hahn le reçut en 1944[11],
- Chien-Shiung Wu (1912-1997), contribue à la physique des particules en faisant une découverte en 1956 sur les interactions électromagnétiques. Ce sont deux physiciens Tsung-Dao Lee et Chen Ning Yang qui reçoivent le prix Nobel de physique en 1957. La contribution de Chien-Shiung Wu est reconnue en 1978. Elle obtient le prix Wolf de physique[4].
Effet Matthieu ou Matilda, prenez soin d’avoir la reconnaissance que vous méritez dans votre travail.
Il existe un livre pour enfant qui reprend cette théorie, il s’intitule tout simplement, L’effet Matilda.

Sources : Wikipédia / France Culture